Un jour au stade

Ouh le joli drapeau[Photo du talentueux Benoît « Homework » Almeras]

Quand on est un blanc à Kinshasa, le Stade des Martyrs, c’est un peu comme Brazzaville : on passe devant, on le voit souvent, on n’y va jamais*. A moins d’avoir, parmi ses connaissances, un de ces précieux contacts qui facilitent parfois la vie dans la capitale congolaise…

L’immense arène de béton est posée comme une énorme verrue, au milieu d’un terrain vaguement entretenu, en plein milieu de la ville. Les martyrs de son nom sont trois hommes d’état de l’opposition pendus par Mobutu à l’emplacement actuel de la pelouse, une petite trentaine d’années avant sa construction. Gazon maudit ? Cela n’a pas tellement l’air d’inquiéter les supporters kinois, pourtant si superstitieux d’ordinaire.

Le match du jour oppose un club camerounais, le Cotton Club de Garoua, au V-Club de Kinshasa. L’affiche a attiré du monde : devant l’entrée du parking, une petite foule entoure notre voiture. Cela ressemble au port de Kinshasa. Des gens crient, se pressent contre la grille, courent brusquement en tous sens, se disputent violemment. D’autres se promènent là-dedans en vendant des trucs. Un peu plus loin sur le côté, des shégués escaladent les grilles qui ceinturent  le stade. Dès qu’ils posent le pied sur le gazon pelé de l’enceinte, ils se mettent à galoper comme s’ils avaient le feu au derrière, pourchassés par les flics de garde. A ce qu’il paraît, les gosses qui ont glissé à travers la grille un petit billet préalable se font courser moins vite.

On traverse cette foule un peu claustrophobique, puis les couloirs étroits du stade et leurs mille points de contrôle, et puis l’on passe une dernière porte et on entre dans la tribune. La sensation d’espace est brusque, déroutante. Loin, très loin en face de nous, de l’autre côté du stade, les supporters du V-Club forment une mer de pixels bariolés, mouvante, chantante. C’est beau comme savent l’être les choses démesurées. Au-dessus de nous, les supporters de l’autre club de Kinshasa (le Daring Club Motema Pembe) leur répondent. Ils sont venus, conformément à la tradition, pour narguer leurs rivaux et encourager l’équipe camerounaise. Ils dansent, ils hurlent, ils provoquent. Certains bombardent la pelouse avec ce qu’ils ont sous la main. Pas grand-chose, heureusement.

Les joueurs rentrent sur la pelouse. Ils ont des maillots verts bien propres et des chaussures fluo. Le stade explose tandis qu’ils se dispersent, parcourant le tapis vert à petite foulées mesurées. Les supporters sautent en cadence ; les drapeaux volent, vert vif sur le ciel pâle. Au-dessus de nous le soleil commence à descendre.

La suite n’a que peu d’importance. Le match est un drôle de spectacle mais ce n’est pas ça qui est frappant. Ce qui l’est vraiment, c’est le contraste entre ces joueurs pimpants sur leur gazon synthétique et la foule de ceux qui les regardent. Dans une ville où tout est cuit, recuit et passé sous le soleil et les orages, où tout est défraîchi et déglingué, ces grands beaux gars aux couleurs vives, leurs chaussures brillantes, leurs dix-huit ballons jaune poussin qui brillent tout autour du terrain sont un peu incongrus.

Personne n’est à blâmer de ce grand écart-là. Personne, d’ailleurs, ne songe à s’en plaindre. Tout le monde y trouve son compte.

C’est la magie du football.

*Pourquoi ? Jetez donc un œil là

5 réflexions au sujet de « Un jour au stade »

  1. Je me fous du foot mais comme tu le racontes ça me plait bien…Ca me rappelle un certain match au Maracana, Fluminense contre Botafogo, ce jour la, la folie brésilienne ressemblait à si méprendre à celle du Congo.
    A bientot mon Chouchou.

  2. Ouis : ceukongagné c'est le FC Garoua (1-0). Pas beaucoup de camerounais dans le stade, mais les supporters du DCMP étaient tout contents !

  3. Ping : Dans le sale bar-ntaba du Stade des Martyrs « Likambo Te

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