Paris-Addis

Samedi 23 juillet, 8 heures du matin. Dans l’aéroport d’Amsterdam, personne ne chante. Déception.

Dans l’Airbus qui relie Amsterdam à Addis Abeba, un écran, incrusté dans l’appui-tête devant moi, me permet de suivre la progression du vol. Un petit avion y traverse très lentement, imperturbable et raide, des cartes géographiques sans fin.

Le voilà qui passe la côte grecque et s’engage sur la Méditerranée. Sur l’écran, mon point blanc s’engage sur du bleu ; par le hublot, je vois le littoral déchiqueté, les montagnes qui plissent la terre, les îles du Péloponnèse comme des miettes de pain sur une nappe turquoise. Une heure plus tard, on aborde l’Egypte. Une vaste surface jaune envahit l’appuie-tête tandis que dehors,  l’immense désert remplit peu à peu le petit bout de monde visible à la fenêtre, émouvant, intimidant, aride et toujours étrangement peuplé de ces villages minuscules posés sur le sable. Seul le Nil – courbe bleue à liseré vert dedans, ruban violemment argenté à perte de vue dehors – tranche avec férocité dans cet austère monochrome.

Un œil sur l’écran et l’autre par le hublot, je ne perds pas une miette du spectacle. Toute cette géographie ! Tous ces noms charismatiques ! Athènes, Louxor, Khartoum, Gondar ! Toute ces montagnes, tous ces fleuves, ces mers et ces continents qui défilent, et que je peux toucher du doigt comme sur une maquette de la Terre, et voir en même temps par le hublot ! Il y a quelque chose de miraculeux à vivre ainsi pleinement sa propre petitesse, et l’immensité du monde, et la puissance inconsciente de l’homme qui parcourt tout cela, lancé à 900 kilomètres à l’heure dans un cylindre de métal, tout en mangeant des cacahuètes.

J’ai tout de même peur en avion.

Puis c’est l’atterrissage, la longue sortie de l’appareil, le long couloir, la queue étrangement silencieuse au contrôle des passeports. La vitesse à nouveau concevable d’un taxi déglingué à travers les rues mal éclairées. L’absence d’écran dans l’appui-tête du siège conducteur. Une ville traversée sans la voir, puis la chambre d’hôtel anonyme, comme suspendue dans la nuit opaque. Drôle de sensation, et rare : se sentir dans une ville nouvelle mais abstraite, au cœur d’un système vivant et compliqué que l’on sait exister mais qui attendra demain pour se dévoiler vraiment… Comme si j’étais encore entre deux. Encore en chemin.

Paris-Addis Abeba : douze heures d’avion, vingt-quatre heures de voyage.

6 réflexions au sujet de « Paris-Addis »

  1. [Le lecteur attentif aura bien sûr remarqué que la photo d’illustration, quoiqu’elle ait bien été prise par ma pomme, n’a strictement rien à voir avec le vol Paris-Addis. La petite taupinière au fond, sur l’image, c’est le Kilimandjaro]

    Après une longue interruption, premier article éthiopien sur ce nouveau blougue. Désolé, lecteur, si je n’ai pas encore fini de mettre en page les archives, les liens, les images etc. C’est un boulot de fou…

    Mais je suis tout content de reprendre du service.
    J’espère que toi aussi.

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