Décrochage historique

La saison sèche touche à sa fin. Ce sont trois mois de températures douces et de soleils pâles qui se terminent, sans une goutte de pluie. Pendant que vous pleurez la fin de l’été, je vois à regrets remonter le thermomètre et revenir les orages. On sent réapparaître chez le conducteur kinois l’agressivité qu’il avait perdue dans les rigueurs de juillet (20°C, hiver rude). Ca sent la rentrée.

En attendant la pluie, je me plonge dans Malet & Isaac. Pour ceux d’entre vous qui trouveraient ça dégueulasse, rassurez-vous : c’est un manuel d’histoire.

Il est écrit comme un roman, un long roman de mille deux cent pages qui couvre l’histoire de France de la fondation de l’empire romain à 1914. Pas besoin de se forcer : on le lit parce qu’il est bien rédigé, facile et parfois même émouvant, et parce qu’il donne le sentiment étonnant de découvrir son propre pays.

Je l’ouvre le matin en buvant le café, quelques pages vite lues ; je retombe dedans le soir avec plaisir. A  dévorer ainsi l’histoire, à grands pas, chaque soir et chaque matin, les échelles de temps en viennent à se brouiller. L’eau de la baignoire de Marat était rouge ce matin ; ce soir Napoléon sera au pouvoir. A minuit il gravira les Pyramides et demain, au réveil, il tombera à Waterloo. On le retrouvera probablement avant le déjeuner, assis sur une baleine, vêtu d’un caleçon effiloché, songeant à sa gloire passée. J’espère que les auteurs ne me décevront pas sur ce point.

Par ricochet, j’ai commencé à me demander ce qu’on connaissait de l’histoire congolaise, avant les Belges. A ce qu’il semble, la région a abrité de grands royaumes aux noms charismatiques, les Kongo, les Kuba, les Luba, l’empire Lunda. On n’en sait pas grand-chose de certain, car la tradition orale confond volontiers l’histoire avec le conte… mais je n’ai pas encore été bien loin dans le sujet. Un collègue va me prêter son livre d’histoire de lycée. Je vous raconterai ce qu’il y a dedans.

Pour l’heure, assis sur le balcon, j’avance doucement vers 1914 en prenant mon goûter. Depuis notre deuxième étage surplombant la Gombe, je vois trois mille ans s’étaler à mes pieds. Au loin Rome brûle et Constantinople rayonne, les épées brillent, les rois meurent, les nations naissent, les grands hommes passent et les petits disparaissent. On entend vaguement tonner au loin les canons de Trafalgar. Je me refais une tartine. L’histoire a goût de Nutella.