Les mamans congolaises sont une belle invention. Elles sont très nombreuses au Grand Marché, assises derrière leur étalage de légumes ou leur vitrine à bijoux, avec leur pagne à la mode, leur vaste cul, leurs bras de catcheur et leur port admirable. Elles ont la parole leste, le rire qui porte ; parfois, sur leur dos, un gosse inséré dans un tissu qui passe autour de leurs larges hanches ronfle paisiblement dans leur douillette cambrure. On n’en aperçoit que la tête et, de chaque côté, deux petits pieds qui dépassent. C’est une vision qui me ravit.
On leur donne, lorsqu’elles sont enceintes, un grade militaire qui est d’autant plus élevé que leur grossesse est avancée. Je m’en suis étonné auprès d’un collègue. Il m’a ri au nez, car enfin c’est évident : une femme ne donne-t-elle pas d’autant plus d’ordres qu’elle est handicapée par son ventre arrondi ? Et effectivement, il y a un mois, nous avons reçu à l’agence la visite de la femme du directeur informatique, enceinte au huitième mois. Elle a fait honneur à son rang de Générale.
Les mamans congolaises sont rarement inactives. Elles préparent le repas, s’occupent des enfants, balayent devant leur maison, marchent au long des rues avec sur le crâne des bassines grandes comme des marmites d’où l’on voit dépasser leur marchandise. A l’inverse, on aperçoit souvent sur le trottoir des hommes assis autour d’une table au milieu de l’activité générale. Ils jouent aux dames – douce ironie – avec des capsules de Primus, sur un plateau de fortune, en buvant de la bière. Ou alors, calés sur une chaise en plastique chinois, ils regardent passer ce temps africain qui est paraît-il plus abondant que le nôtre, et discutent avec les passants.
Injustice ? Peut-être. Les finesses de cet équilibre me sont cachées, et comme souvent je crois qu’il est plus complexe qu’il n’y paraît. Une chose est sûre : pendant que les maris oisifs refont le monde, ce sont leurs femmes qui le font tourner.
on va éviter les commentaires féministes, ça serait trop facile…allez vive les mamans et les grand mamans