A Angkor

Loin du boulot, de l’appartement désert que j’occupe ces jours-ci à Phnom Penh, du nouveau nid français que nous avons passé les vacances à bâtir, je visite enfin Angkor.

Il y a une frustration inhérente à la découverte de ces temples. C’est qu’il faudrait des semaines à détailler ces grandes cascades de pierre qui coulent du ciel sans désordre, toutes bardées de Bouddhas et de dieux hindous. Lire la suite

Khmer Noël

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Entrer dans l’Aeon Mall c’est tout de suite le dépaysement. D’un côté la rue, les flamboyants mal coiffés, les moteurs innombrables, les trottoirs luxuriants, le ciel bleu où roulent encore les derniers nuages de la saison des pluies ; de l’autre atmosphère climatisée, enseignes occidentales, projecteurs reflétés dans les carrelages arides. De loin en loin une plante en pot, sage, astiquée, civilisée.

C’est le désert.

Ce désert-là est plein de monde.

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Chanson de gestes

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Treize heures en bas du bureau. Le vent se lève, il va bientôt pleuvoir, les flamboyants s’ébrouent en pétales rouges sur les motos qui passent. La jeune femme qui prépare mon kafé-dah-kau-teuk-kö*, perchée derrière sa caisse à roulettes remplie de glace et de bouteilles, ouvre une boîte de lait concentré avec le talon d’un couteau. Lire la suite

Tboung Khmum

Oh chouette

Il faut s’arracher d’abord à Phnom Penh, braver les embouteillages, doubler l’Ambassade de France qui ressemble à une prison en plus sinistre, passer le Tonle Sap sur le pont japonais, puis laisser défiler de chaque côté de la voiture ces kilomètres de ville, de chantiers pas finis, d’entrepôts, de condos plus ou moins habités, de quartiers en devenir, tout cet entre-deux qui n’est pas une banlieue, une zone de transition plutôt, un gris coloré, un potentiel immobilier, un crépuscule, ou une aube peut-être, c’est selon. Lire la suite

Malay 2560

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Sur la scène, un employé de la banque chante des amours romantiques, sans doute déçues. Ses trémolos n’émeuvent guère les trois cent convives rassemblés dans la cour immense : on vient de servir la bouffe. A ma table on fait des chichis, on picore délicatement les noix de cajou avec ses baguettes, on trinque timidement avec de petits sourires constipés. Bonne année, oui merci, à vous aussi. Il fait nuit noire et très chaud. Je colle à ma chemise.

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Un léger décalage

Extraversion légumière

En Albanie, il y avait la culture du bistrot, les trognes méditerranéennes, le pain et le café, les chèvres, les moutons, les saisons, l’alphabet, les églises, toutes choses qui étaient un peu comme chez nous, peut-être juste décalées, légèrement déformées, familières tout de même. On pouvait y construire en toute tranquillité ses repères, jusqu’à ce qu’un quiproquo, une surprise, un arbre inconnu sur le bord de la route ne viennent nous rappeler que finalement, non, on n’était pas chez nous.

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Le saut

Décollage

Tu montes dans l’avion et les portes se ferment et les toboggans s’arment et le monde se réduit à quelques hublots, quelques écrans, et tu ne sais pas, non, vraiment pas ce qu’il y aura de l’autre côté. Tu as vu des images, feuilleté un guide peut-être, mais tu n’as pas respiré l’air qu’il y a de l’autre côté. Tu n’en as pas foulé la terre. Tu n’en as pas goûté la bière. Tu n’en connais rien de valable. Et tu quittes les tiens pour ça, pour cette ombre, pour ce rien. Tu as déjà dit au revoir à tout ce que tu connais. Tu es un être en suspension.
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Durazzo

Sakura

Je vous écris depuis Durrës. On va bientôt lever l’ancre. La voiture est en bas, avec les semi-remorques, dans son grand cocon d’acier qui sent l’huile de moteur. Un équipage philippin, tout à fait incongru ici où les étrangers sont si rares, veille sur sa carcasse bleue.

Bien que le contenu du coffre soit légèrement différent de ce qu’il était à l’aller — quelques objets, beaucoup de souvenirs — j’ai le sentiment, étrange et satisfaisant à la fois, d’une symétrie respectée.

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